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© Sophia Baraket

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la voie des femmes

"La première fois que j’ai mis les pieds à Hay Hlel avec Chiraz Gafsia, j’ai été surprise. En marchant depuis le quartier de la Casbah, fief du pouvoir, on emprunte alors une petite rue qui descend vers Saïda Manoubia. De là, on peut apercevoir la Sebkha Essijoumi, tableau splendide d’un lac de sel très pollué. De là, on ne voit pas encore le bidonville qui s’étale le long de la rive. Mais plus on descend, et plus on s’enfonce dans la pauvreté.

A cette époque, en 2015, je vivais encore entre Tunis et Gafsa. Je connaissais bien cette frontière qui marque la distance entre régions riches et régions marginalisées. En quittant le centre-ville pour Hay Hlel, c’est le même sentiment qui me traverse alors. La sensation de passer une frontière. A quelques kilomètres des Palais ottomans abritant des ministères, il existe des îlots de détresse, à l’image de Sidi Bouzid et de Kasserine. Les habitants de Hay Hlel vivent dans le plus grand dénuement.

Arrivées, près de la Sebkha, on découvre « les ateliers » des femmes potières. Une étendue de briques écrasées sur la voie, de déchets en tout genre, séparant le lac pollué et les habitations. Le lieu de travail de ces femmes est improvisé au plus près de leurs logements, même si elles y sont depuis plusieurs décennies. Néanmoins, la dureté de l’endroit tranche avec la délicatesse de ces femmes qui nous accueillent avec générosité et respect. De cette rencontre va naître l’association Daame."

     Rafika Bendermel

A Hay Hlel, quartier en marge de Tunis, une trentaine de femmes âgées de 17 à 70 ans subviennent aux besoins de leurs familles grâce à une activité de poterie. Leurs espaces de travail sont implantés à la lisière du quartier aux abords de leur logement et du lac Essijoumi. Ces ateliers sont auto-construits d’objets divers de récupération et de déchets (carcasses de frigo...).

Ces femmes travaillent de façon informelle sur ce même lieu depuis une quarantaine d’années. 

Dès les années 30, la crise économique provoque le début d'une expansion urbaine autour de Tunis, et apparaissent alors les premiers "hoches", logements rudimentaires, vers Saïda Manoubia, Hay Hlel. Les politiques économiques mises en oeuvre au lendemain de l’indépendance en 1956, provoquent un exode rural des populations en quête d'emploi vers la capitale.  Les quartiers Saïda Manoubia et Hay Hlel connaissent alors une première grande expansion. 

Les femmes potières de Hay Hlel sont arrivées au début des années 60 avec leurs parents. Appelées les "Wled Aayar", nom de leur communauté, ces familles sont originaires des villes de Béja, Siliana ou Makthar. Dès leur installation à Hay Hlel, elles produisent des poteries à proximité de leurs logements. Leurs parents leur ont transmis ce savoir faire traditionnel et c'est ainsi qu'elles reproduisent depuis des décennies ces gestes ancestraux pour réaliser "Kanoun" et "Tabouna", poterie et four.

Ces femmes potières travaillent dans des conditions insalubres et subissent les aléas climatiques du fait de la précarité de leurs espaces de travail. L’informalité de leur activité ne leur confère aucune protection sociale. Elles sont socialement exclues et subissent les conséquences de l'absence de reconnaissance par les institutions publiques. 

© dessins Imen Tlili pour Daame

L’équipe de Daame a été soutenue par le CCFD Terre Solidaire ainsi que par la Fondation Heinrich Boll pour réaliser une première phase d’étude et de co-conception à Hay Hlel.

Des visites régulières du site ainsi que des entretiens avec les potières et les habitants du quartier, ont permis de réaliser une étude sociologique et d’apporter des éléments de compréhension à l’analyse du contexte. L’équipe de Daame a réalisé une analyse détaillée du site et des espaces de travail des potières. Les relevés des ateliers ont permis de documenter leurs implantations sur la voie publique, leurs organisations spatiales et leurs usages. Ces documents graphiques font état des contraintes et des enjeux du terrain. Un long travail de concertation avec les potières et les habitants, nous a permis de developper une première esquisse de projet pour l’amélioration des conditions de travail de ces femmes et l’espace publique environnant.

Le projet n’a pas atteint sa phase de construction en raison d’enjeux politiques et de jeux de pouvoir entre différents acteurs. Cependant, il a permis de consolider l’association, tant dans ses revendications politiques, que dans ses modes d'actions au sein des quartiers informels et marginalisés du Grand Tunis.

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